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«Personne ne devrait mourir pour avoir fait son travail» Daniela Rea, lauréate du premier Prix Breac
Ce 3 mai, Journée internationale de la liberté de la presse, prend une tonalité particulière au Mexique, un des pays aujourd’hui les plus dangereux pour l’exercice du métier de journaliste. C’est le jour choisit pour remettre le Prix Breach/Valdez de journalisme et des droits de l’homme. Et pour sa première édition, il a été décerné à la journaliste mexicaine Daniela Rea.
Le Prix Breach/Valdez est appelé à faire parler de lui, et a été créé par le Bureau mexicain du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme (ONU-DH) et le Centre d’information des Nations Unies au Mexique (CINU México), la représentation au Mexique de l’UNESCO, l’Université Iberoamericana et son programme Presse et Démocratie (PRENDE), l’Agence France Presse et l’Ambassade de France au Mexique qui ont ainsi tenu à marquer leur engagement aux côtés des journalistes mexicains.
Ne jamais oublier
Ce prix, du nom de deux journalistes mexicains assassinés en 2017 – Miroslava Breach et Javier Valdez– et en hommage aux 115 professionnels de presse tués ainsi qu’aux 24 journalistes disparus en faisant leur métier depuis 2000*, est une reconnaissance essentielle, alors que la liberté de la presse est régulièrement menacée au Mexique. Une reconnaissance qui a aussi, malheureusement, un goût amer.
Car comment se réjouir totalement, s’interroge Daniela Rea, de ce premier Prix Breach/Valdez, qu’elle vient de recevoir des mains de la veuve de Javier Valdez, Griselda Triana, et du journaliste Pepe Reveles.
« Essayons d’imaginer la famille, les amis qui attendaient les journalistes chez eux, le jour où ils ont été tués"
A travers ce Prix, Daniela Rea rend hommage à ces journalistes qui sortent tous les jours malgré les dangers, l’impunité, la solitude et la douleur « d’avoir perdu un collègue ». Elle en profite également pour évoquer la situation de précarité dans laquelle la plupart d’entre eux vivent en rappelant le prix dérisoire payé pour leur travail. Enfin, la jeune journaliste tiendra à lire, un à un, les noms des 115 journalistes mexicains assassinés depuis 18 ans. Une litanie terrible et sans fin, pour rappeler l’horreur de ces vies fauchées, de ces familles brisées par la violence. Un discours bouleversant qui en dit long sur le courage et l’engagement de toute une nouvelle génération de journalistes mexicains…
Une nouvelle génération de journalistes mexicains
Engagée depuis plusieurs années dans la pratique d’un journalisme rigoureux et indépendant, placé sous le sceau de l’empathie et de l’humilité, Daniela Rea représente bien une nouvelle génération de professionnels de l’information mexicains : formés, extrêmement informés, rodés au travail en réseaux et aux nouvelles technologies, très conscients de leur responsabilité sociale, mais aussi quotidiennement confrontés aux effets de la violence sur la société mexicaine. Une génération que les institutions à l’origine de ce prix ont justement voulu reconnaître et appuyer.
Membre fondatrice de l’organisation Periodistas a de Pie, Daniela Rea fait ses premiers pas de journaliste dans le Veracruz où elle se spécialise dans les thèmes sociaux puis collabore jusqu’en 2012 avec le quotidien Reforma. Elle travaille particulièrement sur les thématiques liées aux droits de l’homme et à l’impact social de la violence déchaînée par la guerre des cartels de drogue. Elle ne s’est jamais satisfaite des explications officielles, explique Federico Mastrogiovanni, coordinateur du Programme Prensa y Democracia (PRENDE-IBero), s’inscrivant ainsi dans la lignée d’un journalisme critique et conscient de son rôle essentiel pour la société. En 2013, elle a reçu le Prix PEN México.
Car, depuis plusieurs années maintenant, les journalistes mexicains sont devenus, aussi et par la force des choses, des défenseurs des droits de l’homme, explique Giancarlo Summa, directeur du Centre d’information des Nations Unies au Mexique. Et, aujourd’hui, la violence s’exerce également contre eux. Il n’y a donc pas d’autre choix que de résister : car la liberté de la presse est le principal mécanisme qui permet aux citoyens de prendre des décisions informées et critiques… sans presse libre, il n’y a pas de démocratie. C’est en substance le message qu’ont également fait passer Michèle Léridon, Directrice de l’information de l’AFP, venue de Paris pour l’occasion, et de l’ambassadrice de France au Mexique, Anne Grillo, dans leurs interventions respectives.