Les clés pour accéder au marché mexicain du vin : opération Tastin’ France 2018
L’opération Tastin’ France c’est un peu comme le Beaujolais nouveau! Chaque année, on attend avec impatience cette soirée-dégustation qui met en contact les producteurs de vins français avec les acteurs du monde viticole mexicain. Ce 27 septembre 2018, Masiosarey était au rendez-vous.
L'opération Tastin’France a été lancée en 2016 par Business France dans le but de promouvoir le vin français à l’étranger. Tous les ans au Mexique (voir Masiosarey), des producteurs ou représentants de coopératives viennent ainsi présenter leurs vins sur le marché mexicain. Et, lors de la soirée-Dégustation –qui vient conclure une série de rencontres organisées par Business France avec les principaux distributeurs mexicains– les cavistes ont enfin l’occasion de faire goûter les vins qu’ils souhaitent exporter au Mexique. Sommeliers, hôteliers, importateurs, distributeurs, journalistes spécialisés, restaurateurs : tous, sans exception, se pressent autour des stands.
Cette édition 2018 pourrait bien être l’année du « changement dans la continuité ». Changement, car la soirée s’est déroulée dans un cadre nouveau (l’Ambassade de France), avec deux maisons de Champagne et un distributeur/producteur de spiritueux qui, pour la première fois, avaient fait le déplacement. Changement aussi, car un stand de produits du terroir français était là, pour rappeler que le vin s’associe décidément bien avec le pain, le foie gras et le fromage! Changement enfin, car seule la ville de Mexico accueillait l’initiative.
Du côté des continuités, on citera le retour d’une maison présente lors de l’édition 2017, et une forte impression « de déjà vu » à observer le public venu découvrir les vins. Enfin, et surtout, continuité dans les préoccupations des maisons viticoles françaises qui font le déplacement, dont l’objectif reste le même : trouver un importateur ou/et un distributeur au Mexique.
Champagne et cognac, des nouveaux venus expérimentés
Pour la première fois, les Champagnes Mandois participaient à l’évènement. Pourtant, la maison n’en est pas à sa première incursion sur le marché mexicain ; depuis 15 ans, les Champagnes Mandois sont présents sur les tables du Club France à Mexico. « Nous venons avec Business France, oui. Mais pas seulement.» explique le chargé des ventes Stéphane Dubois. 60% de la commercialisation se fait à l’international et les Champagnes Maudois vendent dans 39 pays, principalement en Europe. L’objectif de leur collaboration avec Business France : trouver un importateur. Et dans ce domaine, le mot d’ordre est clair : « tout sauf la grande distribution », précise Stéphane Dubois. « En France je ne vends pas en grande distribution, alors il n’y a pas de raison de le faire au Mexique. Cela ne correspond pas à l’image d’entreprise familiale de notre champagne ». Champagnes Mandois est une maison fondée en 1735 : 40 hectares de vignes cultivés par neuf générations de producteurs, qui produisent aujourd’hui 500.000 bouteilles à l’année. Comment perçoivent-ils le marché mexicain? « C’est un marché en plein essor, qui n’est pas fermé. Les mexicains aiment dépenser en champagne. Ils sont curieux et attirés par de nouveaux produits. Au Club France, ça marche bien et l’on sent que le marché est en devenir. » nous répond Stéphane Dubois.
L’ouverture à l’international, une posture qu’assume également l’autre marchand de Champagne présent à Tastin' France 2018. La coopérative Charles Collin, créée en 1952 dans le sud du vignoble de champagne, a elle aussi fait le pari de se développer à l’exportation. Si en 2017, 70% de sa production était vendue en France, cette part devrait tomber en 2018, à 60% voire 55%. L’Asie et surtout le Japon sont les premières cibles, explique Mamadou Gueye, le chargé des ventes. Mais le continent américain est également dans la ligne de mire de la coopérative : l’Amérique du Nord évidemment, mais aussi, et de plus en plus, l’Amérique latine, un marché en devenir. « Le marché est encore petit au Mexique, mais il est plutôt dynamique. Nous parions sur l’avenir » nous confie Mamadou Gueye, qui cherche lui aussi un importateur.
Autre produit de luxe et de niche, le Cognac. Le distributeur et producteur de spiritueux Hawkins vient, lui, pour la première fois au Mexique. Propriété de la famille Cabanne depuis 1686, la maison produit un cognac - principalement sous la marque Richard Delisle -, mais distille aussi pour plusieurs autres grandes marques. Philippe Pichetto, directeur du développement, explique que le marché du Cognac est en progression au Mexique, notamment parce que de nombreux expatriés installés au Mexique recherchent des produits français de qualité et du terroir. Considéré comme un produit de luxe en France, réservé aux grandes occasions, le marché du Cognac s’est paradoxalement surtout développé à l’international. « A l’exportation, précise Philippe Pichetto, le Cognac est plus « démocratisé ». Nos marchés historiques sont l’Europe et surtout l’Europe de l’Est ». Et la grande distribution ne fait pas peur. Philippe Pichetto insiste : « nous cherchons à placer notre produit dans des boutiques mais, à terme, la grande distribution nous intéresse. Nous avons la capacité de produire pour la marque du distributeur. » Au Mexique, Hawkins Distribution souhaite proposer un Cognac « Club Cigare », premier grand cru, édition limitée (particulièrement suave et épicé) et une bouteille dont le design s’adapterait au goût latino. Avis aux amateurs! Vous pourriez bientôt déguster au Mexique un cognac d'une marque que la famille Mitterand a vendu à la famille Cabanne après la guerre.
Mais attention, la concurrence sur le marché des spiritueux est rude au Mexique. Pour certains gros acheteurs (comme la chaîne d’Hôtel President-Intercontinental ou l’importateur de vins La puerta del Sol), le marché mexicain est dynamique mais segmenté et, surtout, très fluctuant, avec des produits qui connaissent un succès fulgurant –comme actuellement le mezcal ou le gin– et d’autres qui ont connu leur boom et sont, aujourd’hui, plutôt en phase descendante.
Les nouvelles têtes (et propositions nouvelles)
Christian de Brisis représente la marque Veuve Ambal, qui possède 300 hectares en Bourgogne. « Le marché est très compétitif et l’enjeu est de trouver le bon importateur » explique-t-il. Et comment faire pour entrer sur un marché aussi compétitif? Il faut se démarquer, avec un produit différent. Christian de Brisis insiste sur une bouteille de Crémant de Bourgogne rosé (le Rivarose) qui connaît déjà un énorme succès en Colombie.
Sandrina Hueux vient, pour sa part, au nom du Domaine La Grange, qui exploite 56 hectares de vignes en Languedoc Roussillon. Elle propose à la dégustation une dizaine de vins, dont un rosé. Toujours pour le Languedoc Roussillon, le négociant en vins Jean Plat, de la Maison Jean Plat, présente huit vins dont les étiquettes ont visiblement eu un grand succès parmi le public. En donnant des noms personnalisés aux bouteilles (Le Chat, le Dodo ou l’organique Le poutou qui pète!), le négociant se distingue sans conteste. Pour le Bordeaux, l’EARL Rochet-Château Malbat représente une petite structure du vignoble Bordelais.
Cette année, la délégation française était moins nombreuse que pour l‘édition précédente, et la dégustation logiquement un peu moins diversifiée*. Cette année également, pas de visite à Cancún ni dans d’autres villes mexicaines. Le marché mexicain resterait-il encore et toujours très concentré dans la capitale?
Constance et persévérance : les clés de la réussite
Entrer sur le marché mexicain, c’est s’armer de patience et d’acharnement. Pour le Cognac, Philippe Pichetto l’a bien compris en faisant appel à un œnologue mexicain pour l’aider dans son implantation. Stéphane Dubois des Champagnes Maudois est, lui aussi, conscient de ce que représente le coût d’entrée et insiste sur l’importance de l’« accompagnement » et de la formation des importateurs.
Mais celui qui a peut-être le plus d’expérience en la matière reste Yves Thétard, directeur
des exportations de la Maison Jean Loron (Beaujolais et sud Bourgogne). Après une première participation en 2017, il revient pour l’édition Tastin’France 2018. L’année dernière, il nous confessait que « les rayonnages de la grande distribution étaient à pleurer ». Mais les choses changent et, bientôt, ces mêmes rayonnages seront achalandés par la Maison Jean Loron : onze vins distribués dans une centaine d’enseignes de l’entreprise Soriana, probablement à partir de la fin de l’année. Après plus d’un an de discussions, la constance et la persévérance finissent par porter leurs fruits. Yves Thétard explique que les premiers contacts ont été noués lors de l’édition antérieure de Business France. Avec un intermédiaire? La question le fait soupirer : « Cela a été dur ».
Car l’objectif des maisons viticoles françaises, d’édition en édition de Tastin’France, est bel et bien de trouver la bonne formule de distribution. Dans le cas de la Maison Jean Loron, nous explique Yves Thétard, nous avons finalement opté pour avoir « quelqu’un sur place, qui gère notre marque. Un jeune français, dynamique, qui en veut, qui connaît la langue et la culture du pays. Je crois aux gens qui ont des parcours intéressants. ». Guillaume Canit, chargé de promouvoir la marque au Mexique raconte qu’après un an sans avancements dans les négociations, Yves Thétard a bien compris la nécessité d’avoir un relais dans le pays. Avec Soriana, la vente s’est donc faite en direct : et, dans ce cas, c’est l’acheteur qui se charge de l’importation. « En général, avec ces grandes entreprises, la vente en direct marche bien » explique Guillaume. « L’importation, elles savent faire. En revanche, vous avez besoin d’un importateur si vous voulez vendre à une clientèle plus petite : restaurants, boutiques, hôtels... et là il faut séparer importation et vente. »
Voilà donc le secret? Ne pas désespérer et trouver la bonne personne sur place pour mener les négociations… Une autre leçon à tirer de ces rencontres avec les producteurs pourrait être la suivante : si l’opération Tastin’ France reste essentielle –car Business France met en relation vendeurs et acheteurs–, le suivi est décisif. Une vente pourra difficilement se conclure sans un employé sur place qui supervisera les transactions et défendra les intérêts du producteur. Et cela, évidemment, implique une vraie volonté d’investissement de la part des maisons viticoles qui souhaitent vendre au Mexique. A bon entendeur...
©Masiosarey, 2017