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  • Masiosarey

5 choses à savoir sur la Constitution mexicaine


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La Constitution mexicaine a 101 ans! En ce mois de février (hautement constitutionnel), Masiosarey ne pouvait manquer de décrypter les "5 choses à savoir" sur ce texte fondamental, qui font chaque année le bonheur des médias mexicains.

1. La Constitution de 1917 n'est pas la première Constitution mexicaine [1]

Le Mexique a eu 3 constitutions fédérales : celle du 4 octobre 1824, celle du 5 février 1857 et celle du 5 février 1917. Il y a bien eu un premier coup d'essai, la Constitution dite "de Apatzingán" d'octobre 1814, qui a notamment créé les "députations provinciales". Toutefois, l'exécution de José María Morelos, en décembre 1815, a rapidement mis fin à l'impulsion indépendantiste dont elle procédait, pour laisser la place à une longue période de domination créole et à un bref premier empire, celui de Agustín Iturbide.

C'est la Constitution de 1824 qui, sous la pression des représentants des provinces du Mexique et, en grande, partie grâce au Parti Progressiste, établit la république, la démocratie représentative et adopte un régime fédéral.

Cette Constitution ne met toutefois pas fin aux tendances conservatrices prônant le retour à un gouvernement centraliste. Une période sombre s'ensuit donc, avec Antonio López de Santa Anna en principale guest star (il sera sept fois président entre 1833 et 1855). Mais, après la défaite mexicaine face aux Etats-Unis d'Amérique, la République sera à nouveau restaurée. Et un congrès constituant est alors installé pour rédiger la nouvelle constitution (celle du 5 février 1857). D'influence libérale, celle-ci établira les garanties individuelles, la liberté d'expression (et la liberté de port d'armes!). Elle abolira également l'esclavage, la peine de mort et les titres de noblesse et autre honneurs héréditaires. Le célèbre juriste mexicain Mario de la Cueva (1901-1981) dira de cette assemblée constituante qu'il s'agit d'une "des plus brillantes sessions parlementaires du XIXème siècle. A la lecture des débats (...) on y découvre sans doute un parallèle avec la Révolution française de 1789 (...)".

Au moment de la promulgation de la Constitution de 1917, le pays sort difficilement d'une révolution qui a déjà durée 7 ans. Une révolution qui portait l'idée d'un droit nouveau, "qui devra être social" [1] ; un objectif légitime, mais qui a conduit à un massacre. Réunie à Querétaro, la nouvelle assemblée constituante examine le projet soumis par Carranza, dont "l'âme", la doctrine, explique Mario de la Cueva, doit définir les droits et les devoirs des hommes et des groupes sociaux. Selon Mario de la Cueva, décidémment lyrique, la Constitution 1917 "est la culmination d'un drame historique dont les origines remontent à la guerre d'Indépendance".

2. En revanche, elle est la première à introduire les droits sociaux les plus avancés pour son époque

Du projet présenté par Carranza à la promulgation de la Constitution de 1917, quatre mois se seront écoulés. Quatre mois d'ardentes discussions dont témoigne le Journal des débats de l'époque. Mais en quoi ce texte est-il considéré comme une constitution "sociale"?

Tout d'abord parce qu'elle se pose en alternative au libéralisme classique de l'époque, qui considérait que l'Etat n'avait pas à intervenir, ni dans l'économie, ni du point de vue social. La question de la protection du travail et des travailleurs est évidemment posée (notamment à travers des amendements déposés par les représentants du Yucatán et de Veracruz). Mais la question centrale reste celle de la possession de la terre et, en filigrane, celle de la question paysanne. En découlera l'article 27, qui porte les principes d'une déclaration des droits sociaux et de la réforme agraire, principale revendication des révolutionnaires de 1910 [1].

De cette constitution et de son article 27, il est traditionnellement admis trois types de propriété au Mexique : la propriété privée, la propriété publique et la propriété sociale [2]. Assez traditionnellement, la Constitution de 1917 établit les moyens d'accéder à la propriété privée et les conditions d'expropriation. En ce qui concerne la propriété publique, au-delà de la régulation des biens nationaux (biens appartenant à la Fédération, aux états fédérés et aux municipalités) c'est la question de la propriété du sous-sol qui est déterminante à l'époque. Et en 1917, c'est très clair : le sous-sol appartient à la Nation et est inaliénable. L'exploitation des ressources se fera par le biais de concessions. Les premières régulations de ces ressources annonceront d'ailleurs les conflits à venir avec les entreprises exploitantes, majoritairement étrangères à l'époque... Mais c'est la question de la propriété sociale qui a fait couler le plus d'encre : spécifique au Mexique, il s'agit d'une savante "articulation du régime de la propriété privée et de la propriété sociale des ejidos et communautés indigènes comme stratégie pour surmonter le conflit et impulser la réforme agraire" [2]... Aller, on garde le suspens et on réserve la question épineuse de l'ejido et de la propriété communale pour un autre article...

3. La Constitution de 1917 interdit la réélection [3]

Communément, on attribue le principe de la non-réélection du président à la crainte de voir se réinstaller un régime dictatorial, de type porfirien. Pourtant, l'idée était déjà présente dans les constitutions antérieures. Dans celle de Apatzingán comme dans celle de 1824, la réélection pour la période immédiatement postérieure au mandat était interdite. Toutefois, passées les limites de temps imposées, un président pouvait tout à fait redevenir président. Avant-gardiste sur ce sujet, la Constitution de 1857, en revanche, n'est pas contre la réélection. En effet, selon les constituants de l'époque, le peuple seul peut décider si un fonctionnaire public (entendez un gouvernant) doit ou non être réélu : la Constitution n'a pas à interdire cette éventualité.

Pour sa part, l'assemblée constituante de 1917 était foncièrement anti-réélection. La dictature de Porfirio Díaz avait laissé un goût amer, et le principe fut approuvé sans grandes discussions. En 1917, le président de la république ne pouvait donc plus être réélu et son mandat durait alors quatre ans. Mais la tentation est grande une fois le pouvoir obtenu... Dès 1927, une réforme de l'article 83 réouvre la possibilité à la réélection (non immédiate et seulement pour deux mandats au total). Une nouvelle réforme en 1928 vient à nouveau modifier l'article 83, cette fois pour prolonger le mandat présidentiel à 6 ans. Finalement, c'est en 1933 que l'article 83 prend la forme qu'on lui connait aujourd'hui : un mandat présidentiel de 6 ans régit par le principe de non-réélection définitive.

4. La Constitution a été modifiée 706 fois entre 1917 et 2014 [4]

Le mandat d'Enrique Peña Nieto bat, avant même sa conclusion, le record des réformes promulguées, avec 154 modifications constitutionnelles. En deuxième position arrive celui de Felipe Calderón (2006-2012). Les périodes les moins "réformistes" sont celles des présidents Emilio Portes Gil (1928-1930) et Adolfo Ruiz Cortines (1952-1958), avec deux modifications chacun. Le texte constitutionnel en vigueur est donc bien différent de celui des constituants de 1917. Mais c'est probablement cette flexibilité qui lui a assuré une longévité certaine!

Avec 79 réformes au compteur, l'article 73 est celui qui a subi le plus de modifications. Pourquoi? Parce qu'il régit les compétences exercées par la Fédération et celles qui sont dites "concurrentes ou partagées" avec les autres niveaux de gouvernement (les états fédérés ou les municipalités). En effet, au fil du temps, de nouvelles tâches et de nouveaux domaines d'action publique ont surgit, entrainant la modification de l'article 73 : soit pour attribuer de nouvelles compétences à la Fédération, soit pour établir un domaine de compétence partagée. La répartition des compétences entre niveaux de gouvernement : un vaste sujet, au coeur du pacte fédéral... sur le lequel nous reviendrons prochainement.

5. Le stylo

Et pour conclure, vous vous en fichez probablement (nous aussi d'ailleurs!), mais voilà la dernière curiosité de la Constitution mexicaine : elle fut signée avec le même stylo qui a paraphé le Plan de Guadalupe en 1913 et avec lequel Venustiano Carranza "n'a pas reconnu Victoriano Huerta comme président " (Azteca Noticias).

Ah! le pouvoir de la plume...

© Masiosarey, 2018

 

[1] Cette partie est rédigée en se basant sur Mario de la Cueva, "La Constitución política", dans Derechos del Pueblo Mexicano, México a través de sus constituciones, Doctrina Constitucional, tome 1.

[2] Madrazo J. "La propiedad en la Constitución" dans Derechos del Pueblo Mexicano, México a través de sus constituciones, Doctrina Constitucional, tome 1.

[3] Madrazo J., "El principio de no reelección en Mexico", dans Derechos del Pueblo Mexicano, México a través de sus constituciones, Doctrina Constitucional, tome 1.

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