- Masiosarey
Vous prendrez bien un petit verre d’eau de pluie?
L’eau de pluie n’est plus potable: trop acide, trop polluée, saturée de bactéries… surtout en ville. Qu’à cela ne tienne, purifions-la, buvons-la et participons à notre mesure à la transformation de nos modes de vie.
Cette idée un peu folle est née il y a 6 ans, un soir de grande pluie évidemment. Du concept à la réalisation, il faudra encore 2 ans de travail et un petit groupe de 9 associés qui apporteront capital et savoir-faire. Puis 2 ans encore, pour affiner le projet économique. Aujourd’hui Casa del Agua fournit en eau de pluie 12 restaurants de la Ville de México et est distribuée par La Europea et CityMarket.
Au Mexique, personne n’avait encore eu l’idée de commercialiser l’eau de pluie pour sa consommation. Il a donc fallu innover. Sur le plan technologique, une série de 9 filtres complémentaires a été mise au point dans une jolie maison de la Roma Norte, réhabilitée en conséquence.
Sur le toit de l’édifice de Puebla 242, 120m2 de terrasse fleurie
Mais, contrairement aux apparences, il ne s’agit pas seulement d’un agréable recoin à l’abri de l’agitation urbaine, idéal pour prendre un thé (d’eau de pluie) ou pour goûter les spécialités indo-britanniques du restaurant voisin. La terrasse, ses plates-bandes et jardinières ne sont en fait qu’un seul et grand réceptacle d’eau de pluie, et le tout premier filtre aussi (la terre retient bien les déchets les plus gros ; un second filtre retiendra les bouts de feuilles et autres impuretés organiques récalcitrantes).
Cette eau est drainée vers un premier container qui fait office de cuve de rétention. Son volume correspond à l’équivalent de 15 minutes de pluie moyenne sur une surface de 120m2. 15 minutes c’est le temps estimé pour que la pluie lave l’atmosphère des particules de pollutions les plus lourdes. Cette première “récolte” est donc mise de côté et, pour le moment (faute de solution ad hoc), rejetée dans le caniveau.
Pour l’eau de pluie sur ciel lavé (collectée après 15mn d’averse donc) viennent alors 8 étapes successives de filtrage intensif: qui nettoient, condensent, dé-condensent, re-minéralisent et re-ionisent l’eau. Certaines de ces méthodes sont utilisées par les grandes entreprises mexicaines de purification d’eau, d’autres sont totalement innovantes, comme par exemple la technologie de filtre par “décomposition” de l’eau, directement importée du Canada.
Finalement vient l’étape la plus poétique, faute d’être la plus technologiquement fascinante: l’eau de pluie purifiée est harmonisée. Le liquide passe dans des cuves et flacons de volumes et de formes diverses, afin d’être exposé à des messages positifs gravés sur des galets (Amour, Respect, Gratitude) et à des ondes musicales effectivement fort agréables à l’oreille (la playlist rassemble quelques 150 morceaux classiques : de Tchaikovsky à Narciso Yepes).
Au total, il faudra donc 60 heures à une goutte de pluie pour pouvoir être consommée. Et le résultat est surprenant: une eau étonnement fraiche, légère et absolument transparente. En matière de normes sanitaires, Casa del Agua est astreinte aux mêmes règles que toutes les autres entreprises de purification d’eau du pays et son eau est testée tous les 6 mois par la COFEPRIS (Commission fédérale pour la protection contre les risques sanitaires).
Le durable et le local
L’idée initiale de Casa del Agua était de parier sur le local et de reproduire le concept et les installations de la Roma Norte dans d’autres colonia de la ville. Chaque quartier aurait alors pu consommer sa propre eau de pluie, purifiée, harmonisée et plus écologique : sans coûts de transport ni bouteilles en plastique. Mais le pari était trop ambitieux à cette étape de développement. Si les élégantes bouteilles en verre, recyclables et parées de capsules de céramique, sont belles et bien devenues l’image de Casa del Agua, le projet éminemment local de démultiplication de zones de collecte et de filtrage a dû être abandonné.
Il y a deux ans, et afin de ne pas être contraint par une capacité de production limitée (la seule pluie collectée sur les 120m2 de la terrasse de la Roma Norte), Casa del Agua a donc passé un accord de collaboration avec Santa Ana, une entreprise de purification d’eau basée dans l’état de México. Santa Ana suit un modèle classique : elle filtre et conditionne l’eau des nappes phréatiques. Mais son atout est dans ses installations, idéales pour le projet de la Casa del Agua. Tout d’abord, il y a été facile d’habiliter quelques 5.000m2 de terrain pour la collecte d’eau de pluie. Et, surtout, son emplacement –dans une zone de moyenne altitude, humide (il y pleut 9 a 10 mois par an) et peu polluée– garantit une pluie de qualité et en quantité.
A son ouverture, en 2012, Casa del Agua aime se souvenir n’avoir vendu que 2 bouteilles en 2 mois. Aujourd’hui elle a acquis la capacité technique de produire 2.000 bouteilles d’eau de pluie par heure. Une capacité qu’elle n’utilise pas encore, mais qui lui donne une marge très confortable pour poursuivre sa croissance et son positionnement sur le marché de l’eau de qualité.
©Masiosarey 2017
Bouteille de 600 ml d’eau de pluie (en verre, recyclable) : 40 pesos au premier achat, puis 10 pesos en échange de la bouteille vide.
Casa del Agua Puebla No. 242, Colonia Roma. México D.F. www.casadelagua.com.mx