- Masiosarey
Une revue de presse 100% libre de virus
Imaginez une revue de presse sans référence aucune au Covid-19... Mais si, c’est possible. Masiosarey a concocté pour vous une synthèse de l’actu mexicaine des dernières semaines, vue par la presse francophone et garantie 100% libre de virus.
Nous ne vous cacherons pas que le projet avait quelque chose de grisant. Malheureusement, d’autres maux assaillent le Mexique; et le premier d’entre eux est la violence. La Presse, Le Figaro, L’Express reviennent ainsi, via l’AFP, sur les chiffres de la criminalité, en hausse “malgré les mesures de confinement” ―toute relatives, il faut tout de même l’admettre― mises en place depuis la mi-mars. Le 19 avril dernier, nous apprennent ces médias francophones, devenait ainsi la journée la plus violente de l’année 2020, avec 105 assassinats enregistrés par les autorités mexicaines, déplaçant le “précédent record” du 4 avril (104 meurtres). Quelques semaines plus tard, rebelote, Le Figaro et Le Parisien annoncent la macabre découverte des restes d'au moins 25 personnes, dans une fosse clandestine pas très loin de Guadalajara. L’état du Jalisco, rappellent les deux quotidiens français, connaît une violence croissante depuis environ cinq ans, principalement liée aux activités de l’organisation criminelle Jalisco Nueva Generación (CJNG). Les corps d’au moins 115 personnes y ont été découverts corps dans une dizaine de fosses clandestines depuis le début de l'année. En fin de semaine, à l’occasion de la commémoration de l’assassinat du journaliste mexicain et collaborateur de l'AFP Javier Valdez, le 15 mai 2017 à Culiacán, Le Figaro et le quotidien suisse 24heures relaient la déclaration de l’organisation Reporters sans frontières. RSF, nous expliquent les deux journaux, dénonce les «négligences» et «retards» dans le processus judiciaire, et regrette également que la Commission d'attention aux victimes mexicaine ait «décidé de façon arbitraire, sans aucun fondement légal, d'arrêter son soutien» à la famille de Valdez. Dimanche, en triste écho, Le Monde déplorait l'assassinat, à Cuidad Obregón, de Jorge Armenta, le directeur du média en ligne Medios Obson. Jorge Armenta avait reçu des menaces et bénéficiait d’un programme de protection. Il est le troisième journaliste mexicain tué depuis janvier.
L’autre note de l’AFP qui a fait couler beaucoup d’encre ces dernières semaines est celle consacrée à la crise de l’eau au Mexique. Début mars, l’agence avait mobilisé plusieurs de ses journalistes pour documenter, pendant une journée, le quotidien de familles confrontées au manque d’eau potable (et d’eau tout court). Du Chiapas à Tijuana, les témoignages sont poignants, d’autant que la problématique de l'eau n'apparaît toujours pas prioritaire pour les gouvernements locaux et fédéral. Un autre sujet assurément anxiogène repris par Géo, Le Point, Le Journal de Montréal, mais aussi très largement par la presse francophone africaine : Le Journal du Togo, Le Journal de Bangui, Le Journal du Sénégal, Le Journal de Kinshasa, Ivoire.com ou NewsAfrica...
Faute d’eau, vous direz-vous ―et non sans quelque mauvaise foi― restent la bière, la téquila et, pourquoi pas, l’alcool de canne à sucre... et bien là aussi, attention. La Presse, TVA Nouvelle et BFMTV relatent le terrible empoisonnement collectif qui a coûté la vie, la semaine dernière, à 21 villageois de Tamazula de Gordiano et Mazamitla, deux municipes ruraux de l’état de Jalisco. 29 autres personnes ont été intoxiquées, dont 13 sont dans un état grave. Toutes ces personnes avaient consommé un alcool de canne à sucre à... 96 degrés, contenant du méthanol et produit clandestinement dans l'état voisin du Michoacán. Les autorités auraient saisi 700 litres de cet alcool frelaté. Et le drame ne s’arrête pas la. Cette semaine, Le Journal de Montréal et Le Parisien relatent une nouvelle intoxication massive qui a eu lieu, cette fois, dans l’état de Puebla. Au moins 42 personnes seraient mortes après avoir bu de l’alcool frelaté lors d’une veillée funèbre dans la localité de Chiconcuautla, onze autres personnes seraient dans un débat critique.
Quant à la bière, il faudra vous armer de patience face à la pénurie qui se profile. Le quotidien québécois, La Presse, reprend un article de l'AFP qui relate le chemin de croix des consommateurs de bière au Mexique. Et ils sont nombreux, nous apprend le quotidien : près de 70% des ménages mexicains en achète et la consommation s'élève à 68,7 litres par an et... par habitant. A l'origine du problème, l'arrêt des usines de production du Groupe Modelo, qui ne sont pas considérées comme "activités essentielles" selon l'Accord du 31 mars dernier qui établit les mesures extraordinaires en période d'épidémie. La Presse précise que, déjà, un marché parallèle se met en place, ce qui provoque inévitablement une augmentation des prix; une terrible illustration de l'effet papillon à destination des amateurs de boissons fermentées.
Face à tant d’adversité, il nous reste au moins Netflix. Que nenni, ne vous réjouissez pas si vite! Sachez que les tarifs mexicains de cette plateforme augmenteront prochainement. Le nouveau site d’info en français BreakingNews ―aux traductions approximatives et à l’origine toute aussi mystérieuse― explique que les abonnements aux services numériques (Netflix donc, mais aussi Amazon Prime, HBO Go, PlayStation Store, iTunes, Rappi, YouTube Premium, Apple Music, Claro Video, Cabify, Didi, etc.) seront désormais soumis à la TVA (+16% au Mexique). Résultats de courses, à compter du 1er juin 2020 vos divers abonnements s’ajusteront mécaniquement à la hausse (de +8% à +14% en fonction des formules). Pour une info plus complète sur ce sujet, nous vous conseillons de vous référez directement à la presse mexicaine (Milenio, Dondeir ou encore Publimetro qui, dans la foulée, relaie le mécontentement des abonnés).
A ce stade, vous commencez, vous aussi, à fléchir et à demander des nouvelles du coronavirus?! Non, non, tenez bon, car tout n’est pas noir.
Ainsi Air Caraïbe, qui parie déjà sur une récupération rapide du marché aérien, a-t-elle annoncé l'ouverture prochaine d'une route directe entre Paris et Cancun. Si ce n’est pas de l’optimisme! Pour faire court et à partir du mois d’octobre prochain, la compagnie guadeloupéenne proposera deux (puis trois) vols transatlantiques hebdomadaires sur des avions Airbus A330-200. Air Journal et Air Cosmos expliquent que l’idée est d’occuper la place laissée vide, pour le moment, par la compagnie low cost XL Airways qui a déposé son bilan l’automne dernier. Un créneau auquel s'intéresse également Air France... la bataille de l’air devrait donc reprendre de plus belle. Sauf que Safran ne semble pas encore trop y croire, à la reprise. Comme l’expliquaient il y a quelques jours Ouest France, L’Usine Nouvelle ou encore Zone Bourse, le groupe français s’apprête à supprimer 3.000 emplois au Mexique, principalement ―semble-t-il― dans ses deux usines de Querétaro. "Le déclin important des commandes de clients" amène en effet le groupe à réduire drastiquement la “charge de travail" explique-t-on prudemment à l’agence Reuters. Safran, troisième équipementier mondial du secteur aéronautique, présent au Mexique depuis une vingtaine d’années, emploie environ 13.000 personnes sur sept sites à travers le pays.
Mais voilà que le coronavirus se réinvite dans notre revue de presse. Rapidement donc, une dernière actualité forçant l’optimisme et totalement déconnectée de la pandémie : la récente conclusion, le 28 avril dernier, des négociations d’un nouvel accord commercial entre l’Union européenne et le Mexique, “le plus grand pays d’Amérique centrale” (sic.).
Marianne et Le Figaro font le point sur ce traité de libre-échange, "beaucoup plus ambitieux" que le précédent (signé en 2000) et visant à lever une grande partie des droits de douane sur les biens échangés entre les partenaires. Les deux journaux soulignent notamment l'enthousiasme de la Commission européenne, selon qui cet accord envoie “au monde le message puissant que le Mexique et l'UE rejettent tous deux le protectionnisme".
Toutefois, précisent également Marianne et Le Figaro, l'enthousiasme semble ―dans ce cas précis― peu contagieux, et les agriculteurs français et les défenseurs de l'environnement s'inquiètent et se mobilisent. En effet, cet accord devrait, entre autres choses, ouvrir le marché européen à un quota annuel de 20 000 tonnes de viandes bovines mexicaines taxées à 7,5% . Et, selon eux, une telle entrée de viandes, jusque là interdites sur le sol européen en raison de leur non-conformité aux normes sanitaires de l'UE, est un scandale : pour les consommateurs comme pour les éleveurs français, européens... et mexicains (car, in fine précisent-ils tout de même, ce sont les paysans des deux bords qui seront davantage soumis aux pressions de l’agrobusiness).
Le Paysan Breton renchérit et s'interroge, pour sa part, sur les contradictions qui apparaissent au niveau européen, entre cet accord, d’une part, et, d’autre part, l’ambition politique affichée de protection de l’environnement et de notre « modèle » agricole (les stratégies de « Green Deal » et « de la ferme à la table » récemment définies par cette même Commission européenne); ceci d’autant plus que la proposition d’accord ne mentionne aucun élément de contrainte obligatoire en matière environnementale.
Reporterre et le magazine hebdomadaire belge Moustique donnent la parole aux organisations paysannes, qui interpellent les gouvernements sur leurs récentes promesses. Avec cet accord, constatent-ils, la « transformation profonde de nos systèmes alimentaires vers la souveraineté alimentaire et la résilience en prend un sacré coup”. Sur le même ton, Le Sillon Belge déplore les risques démesurés que cet accord fait porter a la filière bovine. Et Web-agri annonce que les éleveurs du Massif Central ont lancé le 30 avril une pétition en ligne sur change.org, à l’attention du Parlement européen, pour dénoncer "l'absurdité de cet accord, en pleine crise économique et sanitaire".
Le seul bémol vient du magazine Réussir, qui explique pourquoi les professionnels avicoles européens sont plus mesurés: ils ont réussi, eux, à convaincre la Commission européenne de soutenir certains produits clefs. Ainsi, sachez-le, le filet de poulet et les œufs resteront-ils relativement protégés en Europe, tout en bénéficiant d’un meilleur accès au marché mexicain.
De toute façon, précisent Marianne et Le Figaro, l'accord est loin d'entrer en vigueur. Il devra d’abord être publié sur le site de la Commission européenne, puis approuvé par les gouvernements des États membres de l'UE, le Parlement européen, le Sénat mexicain… et les parlements de chaque pays de l'UE. En ces temps incertains, le processus risque de prendre un peu de temps...
D’ailleurs, en parlant de processus sans fin de ratification, le site de la chaine de télévision canadien TVA constatait, il y a une dizaine de jours et avec une certaine distance (l’enthousiasme a eu le temps de retomber), que le nouvel accord commercial liant États-Unis, Mexique et Canada (ACEUM), “longuement négocié par les trois parties”, entrera en vigueur le 1er juillet. Prudence (ou lassitude) oblige, TVA n'émet aucune position quant au contenu et aux implications de l'ACEUM.
La semaine prochaine, c’est promis, on vous parle du Covid-19...
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