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Masiosarey

"Raisin des tropiques". Semaine du 3 au 9 juin 2019


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Alors que les dernières menaces commerciales de Donald Trump mettaient une nouvelle fois en lumière les vagues de migrants qui transitent par le Mexique, une invasion d'un autre genre préoccupait l'ensemble des Caraïbes, des Antilles à la Riviera Maya mexicaine : celle d’importants bancs de Sargasses venant s'échouer sur les côtes. Masiosarey revient sur l’actualité francophone de cette algue brune, devenue depuis quelques années l’ennemie jurée des riverains et des touristes des Caraïbes.

Comme le rappellent FranceTV Info et la radio antillaise RCI, la Guadeloupe et la Martinique sont confrontées à ce fléau de façon chronique depuis 2011. La dernière vague de sargasses datait de mars dernier ; depuis une quinzaine de jours, elles reviennent en masse. Ce week-end de la Pentecôte, théoriquement propice au tourisme, n’a fait qu’aviver les inquiétudes des hôteliers, des restaurateurs et des maires des communes du littoral. RCI relaie ainsi les déclarations de Jean-Claude Pioche, maire de la Désirade et Président de l’Association des Maires de la Guadeloupe, alors que les prévisions d’échouage de sargasses sont qualifiées de « très fortes » jusqu’à ce mardi. Si l’objectif, rappelé cette semaine encore par le Préfet de l’île, Philippe Gustin, est de ramasser la plus grande partie des échouages en moins de 48h, pour qu’il n’y ait pas d’émanations de gaz toxiques, les moyens matériels manquent, constate Jean-Claude Pioche, et les procédures pour les obtenir –entendez l’obtention du « kit sargasse » (sic) destiné aux communes et publicité par FranceTV Info– sont… « compliquées ». Même situation en Martinique, où les habitants demandent depuis plusieurs mois à l’Etat français de reconnaître l'état de catastrophe naturelle ; ce que le gouvernement se refuse à faire pour le moment.

« Que les futurs vacanciers belges soient prévenus » (RTL)

Mais comme le soulignent FranceTV Info et RTL, les littoraux des Antilles ne sont pas les seuls à être envahis par la sargasse ; les courants des Caraïbes portent cette algue jusqu’aux côtes mexicaines.

FranceTV Info s’essaie à l’image choc et évoque un « tapis d'algues puantes à la place des plages de sable fin » de Tulum. RTL, pour sa part, rapporte le témoignage de Patrice, un touriste belge actuellement en vacances à Akumal, à une centaines de kilomètres au sud de Cancun: "C'est une vraie catastrophe, les ouvriers ramassent jour et nuit mais ça ne suffit pas". La radio luxembourgeoise explique que, l'été dernier, ce sont plus de 4 millions de mètres cubes de sargasses qui auraient été ramassés sur les côtes mexicaines. France TV Info estime pour sa part qu’en 2018 ce seraient plutôt quelques 24 millions de mètres cube qui auraient envahis les côtes mexicaines. Au début du mois, les autorités de l’état du Quintana Roo annonçaient que le volume mensuel de sargasses échouées venait d'atteindre le seuil... des 10.000 tonnes. Et comme tout cela devient somme toute très abstrait, FranceTV Info nous propose une traduction de ce volume : il faudrait l'équivalent de 3.000 terrains de football pour étaler (sur un mètre d’épaisseur) 24 millions de mètres cube de sargasses. Est-ce vraiment plus parlant?

« Une véritable catastrophe écologique » (FranceTV Info)

FranceTV Info rappelle que, longtemps, il n’existait dans l’océan Atlantique qu’une seule (et légendaire) Mer des Sargasses, dans l'Atlantique nord, au large de la Floride et pas très loin du Triangle des Bermudes. Décrite par Christophe Colomb ou Jules Vernes dans 20.000 lieues sous les mers, cette mer est également citée dans La relation de l'expédition française au Mexique, qui compare la sargasse à des "raisins des tropiques"*. Mais voilà, il y a huit ans, une nouvelle zone de concentration a été détectée entre les côtes nord du Brésil et l’Afrique ; une zone qui concentrerait bien plus de nutriments générés par l'activité humaine que la mer des sargasses « historique », et qui serait ainsi devenue une véritable usine à algues brunes.

Le média français revient également sur l’inquiétude des scientifiques face à ce phénomène et à son ampleur. Citant deux chercheuses de l'Université nationale autonome du Mexique (UNAM), Marta García et Brigitta Van Tussenbroek, FranceTV Info explique que la décomposition de ces algues « aspire l'oxygène de l'eau » et que « leur traînée sombre bloque la lumière du soleil, éliminant la vie marine ». Les sargasses accélèrent ainsi les changements dans l'écosystème ; une accélération qui peut être vertigineuse insiste Brigitta Van Tussenbroek. De la Martinique à la Riviera Maya, c’est tout l'écosystème naturel de la mer des Caraïbes qui serait menacé, et ce à très court terme.

La sargasse « l’un des habitats marins les plus dynamiques que l’on puisse imaginer » (The National Geographic)

Un article intitulé publié dans l’édition de juin de The National Geographic et, justement, consacré a la sargasse, apporte néanmoins quelques nuances.

Le célèbre magazine américain donne la parole à des spécialistes de cette algue tels que l’océanographe Sylvia Earle ou le biologiste Jim Franks. Ces fervents adeptes de la Mer des Sargasses comparent ces algues à une « forêt tropicale dorée », flottant à la surface de l’eau et abritant une impressionnante variété d’organismes vivants : alevins, hippocampes, crabes, mais aussi des requins, des thons et de nombreux oiseaux marins. Selon Jim Franks, la sargasse « est l’un des habitats marins les plus dynamiques que l’on puisse imaginer ». Sylvia Earle est d’ailleurs à l’initiative d’un projet visant à faire de la Mer des Sargasses la première aire marine protégée en haute mer (pour rappel, la haute mer reste une zone de non droit. Toutefois, cet espace devrait enfin faire l'objet d'un traité juridiquement contraignant ; si tout va bien fin 2020).

Le drame ne serait donc pas la sargasse, mais sa récente prolifération incontrôlée, due au réchauffement des eaux océaniques et à l’augmentation de la pollution en haute mer, qui perturbent de plus en plus dangereusement les écosystèmes. De la même façon, le danger ne serait pas tant la sargasse qui vogue au large, que celle qui s'échoue sur les rivages, meurt et se décompose. Enfin, toutes les sargasses ne sont pas égales ; et celles qui viennent du large du Brésil sembleraient malheureusement particulièrement chargées en métaux lourds.

« Nous n'avons pas beaucoup de temps. C'est une question d'années, pas de décennie...» (FranceTV Info)

Il faut donc agir. Les médias français n’évoquent pas l’armée mexicaine, envoyée en renfort pour nettoyer les plages, ni les fonds fédéraux débloqués –via le FONATUR– pour appuyer la recherche de solutions et qui, à leur tour, ont été suspectés d’avoir été partiellement détournés. Pour en savoir plus sur ces dimensions du problème, il vous faudra vous plonger dans la presse mexicaine : Milenio, ContraLinea, El Universal, Reportur, AristeguiNoticias ou Proceso.

Les médias francophones, eux, se concentrent sur les belles histoires. Le Soleil, La Voix du Nord, la RTBF, The HuffingtonPost ou le site GoodPlanet reprennent ainsi l’article de l’AFP recensant les premières expériences de transformation du sargasse : en engrais, en briques, en papier ou en chaussures.

Omar Vazquez a ainsi déjà construit deux maisons, utilisant à chaque fois 20 tonnes de sargasses métamorphosées en 2.000 briques. Son invention brevetée, il a d’ores et déjà fabriqué et stocké 100.000 briques en vue de la construction d’un nouveau complexe hôtelier. Victoria Morfin a trouvé comment utiliser la cellulose du sargasse pour recycler le papier usagé et vient de s’associer avec une imprimerie de la région. Pour le moment, elle consomme près de 200 kilos de sargasses par semaine, mais ce n’est qu’un début…


Adrian Lopez recycle déjà le plastique polyéthylène téréphtalate (PET) pour en fabriquer des chaussures. Les sargasses lui servent à fabriquer les semelles. «Une chaussure, explique-t-il à l’AFP, est faite de cinq bouteilles PET et de 100 grammes de sargasse».

FranceTV Info raconte, pour sa part, l’initiative conjointe lancée par des professionnels du tourisme, des responsables municipaux et des scientifiques pour installer une barrière flottante devant la petite ville balnéaire de Puerto Morelos, afin de faire obstacle à la dérive de l'algue vers la côte, et pour mobiliser un navire, chargé de la collecter. Aujourd’hui 13 des 18 km de plage de la municipalité seraient ainsi débarrassés du sargasse. Parallèlement, nous explique le média français, les habitants se mobilisent chaque matin pour nettoyer les plages. "Il n'y a pas le choix, conclue l’article, citant une habitante de la ville, il faut agir pour que le tourisme continue". En bref, Puerto Morelos, un véritable "laboratoire de ce qui peut être fait ou non" en matière de lutte contre l’algue.

Depuis plusieurs mois, le Mexique tente d’impulser la tenue d’un sommet international sur la sargasse, qui réunirait les 19 pays de la région caraïbe. Comme l’annonce Milenio, une date vient, finalement, d’être posée : le 27 juin prochain à Cancun. Seuls 11 pays ont, pour le moment, répondu à l’appel…

© Masosiarey, 2019

 

*San Juan de Uluà ou Relation de l'expédition française au Mexique sous les ordres du Contre-amiral Bodin, par P. Blanchard et A. Dauzats, 1839, Gide éditeurs.


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