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  • Masiosarey

L'école maternelle publique et laïque mexicaine


Honte à moi !

Ma fille n’est pas au Lycée franco-mexicain.

En mère indigne, j’ai préféré la proximité à l’excellence académique française.

Quand on n’habite ni à Polanco, ni à Coyoacan, la perspective de passer des heures dans le trafic –même si le tête à tête dans la voiture favorise les relations mères-filles– n’est pas très alléchante. Donc, pérégrinations, il y a quelques années, pour trouver une petite école agréable où ma jeune pousse pourrait entreprendre ses premiers pas vers une socialisation tranquille.

Mon quartier était, il y a une dizaine d’années, un quartier en voie de vieillissement. La population, très enracinée, parfois depuis plusieurs générations, était en majorité des familles dont les enfants n’étaient plus en âge d’aller à l’école maternelle. D’où, une offre en la matière particulièrement réduite.

Mère indigne, mais mère malgré tout, j’avais quelques exigences : que l’endroit ne soit pas un réduit infâme où, malgré les décorations enfantines, une vingtaine de nouveaux nés cohabiteraient dans une petite chambre ; qu’il y ait un espace extérieur ; que les maîtresses soient bien formées ; que l’on puisse y aller en 5 minutes à pied. Ah, j’oubliais ! Le prix devait être raisonnable.

Première expérience, l’illégale

La première garderie, je l’ai rapidement appelée l’illégale.

Elle remplissait presque tous mes critères, dont un particulièrement : celui d’avoir un espace extérieur énorme. Les enfants pouvaient faire leurs premiers pas hésitants dans un magnifique jardin. Les cinq minutes à pied étaient presque atteintes, en fonction du temps de traversée de l’immense avenue qui divise mon quartier en deux. En revanche, d’un point de vue académique (mot pompeux à ce niveau de scolarisation), certains petits détails m’ont rapidement fait comprendre que ma charmante garderie n’avait aucune autorisation officielle. Une quinzaine d’enfants s’ébattaient joyeusement sous le regard tendre d’une maîtresse et de la directrice, qui faisait aussi office de dame-cantine.

Premier échange avec cette charmante dame :

- Oh la la qu’elle est maigrelette votre petite

- Mmmm, enfin elle a un poids normal, si l’on prend en compte les courbes de croissance des pédiatres

- Ne vous en faites pas, ici, elle va prendre de bonnes joues !!!!

Et chose promise, chose due ! Ma fille n’étant pas idiote, elle a vite compris que cette bonne dame était susceptible de lui donner des galettes à toute heure de la journée.

Par ailleurs, aucune ligne pédagogique, aucun programme, aucune méthode ou théorie à mettre en œuvre. Sans connaître bien le système français, cette garderie s’apparentait à nos traditionnelles « tatas » qui gardent chez elles une flopée de petits gamins. En outre, l’établissement diversifiait ses activités : fabrication d’uniformes, location du jardin les fins de semaines pour des fêtes diverses et variées, service de traiteur. Bref, l’illégale. Ma fille y a été heureuse, mais rapidement j’ai senti la nécessité de trouver une option… peut-être un peu plus sérieuse....

Deuxième expérience, la publique

Après avoir vu dans les médias les jeunes professeurs mexicains manifester, occuper pendant des mois les places publiques, jeter des cailloux sur les voitures au péage de Chilpancingo, l’école publique ne me paraissait pas l’option la plus viable.

Pourtant, en révisant mes exigences, celle de mon quartier était véritablement adéquate : un jardin immense avec de grands arbres (ça frôle l’obsession !), des salles de classes de bonne taille, un nombre de maîtresses par enfant raisonnable, une cantine dont le menu était élaboré par une diététicienne ! Sans parler du prix, qui est fixé par l’Assemblée législative du District Fédéral chaque année. Les écoles maternelles sont en effet gérées par chaque Délégation, d’où une certaine variation entre les écoles, d’une délégation à l’autre. Que demande le peuple?

Après une rapide enquête auprès de mes chers voisins, l’école du quartier avait très bonne réputation et tout le monde connaissait la directrice. Une fois compris le système d’inscription (pour les intéressés, veuillez envoyer vos messages à la rédaction, merci), voilà mon petit bout d’un an et demi qui commence son expérience scolaire. Et dès le jour de la rentrée, j’ai compris qu’on ne rigolait pas avec les règles : retour maison pour cause d’érythème fessier.

Bilan de cinq ans d’école publique : largement positif. Les maîtresses sont toutes formées (et bien), tendres avec les enfants et motivées : malgré les retards récurrents de paiement des salaires, nous avons eu en cinq ans un seul jour de grève. Les élèves de la classe de grande section de Maternelle (Preescolar 3) terminent l’année en sachant lire, écrire et compter (additions et soustractions à deux chiffres, mesdames et messieurs !), ce qui est une véritable prouesse au vu des différences socio-culturelles au sein d’une même classe.

Et, tout cela, au mépris de toute théorie ou méthode globale, semi-syllabique ou autre marotte bien française. Sans compter que ces petits bouts savent déjà ce que font les scientifiques (alors que moi je me pose encore des questions), ont des notions de géographie, d’histoire mexicaine et universelle, de biologie (en moyenne section, les enfants avaient « étudié » le corps humain et apprenaient le nom des os).

© Masiosarey, 2017

Mais la plus merveilleuse découverte, toutes ces années d’école publique, je vous le donne en mille… les vertus de l’uniforme. J’en appelle d’ailleurs à témoin, au risque d’être soupçonnée de néo-réaction : qui peut encore être contre l’uniforme, alors qu’il nous évite la demi-heure quotidienne d’atermoiements devant le placard pour choisir la robe (« pareille que celle de Marie-Charlotte ») ? N’en déplaise à la maman de Marie-Charlotte, je revendique la toile rugueuse, intachable, introuable de ces merveilleux Jumpers bleus marins ; des pantalons en tergal qui ne se froissent pas ; des chaussures scolaires bleues à toutes épreuves et qui vont avec tout. ¡Viva Mexico ! ¡Viva el uniforme !

©Masiosarey, 2017

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