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« Robin » HayWood Gilliam. Semaine du 20 au 26 mai 2019


©wix, 2019

La semaine dernière, c’est un certain Haywood Gilliam qui a mobilisé l’attention des médias. Son nom ne vous dit rien ? C’est normal, sa renommée internationale est toute récente : il est le dernier juge en date à s’opposer au projet de mur frontalier de Donald Trump.

The Wall : To be ...

Comme le rappellent la plupart des médias mexicains et francophones, le slogan de campagne (le fameux « Build the Wall »… sans doute le plus populaire auprès de son électorat) est devenu un instrument de négociation commerciale récurrent avec le Mexique et, surtout, un argument fort dans la course pour les prochaines présidentielles aux Etats-Unis de 2020. Mais un tel projet coûte beaucoup (beaucoup) d’argent, et s’est, dès 2017, heurté aux réticences du Congrès. En février dernier, le Congrès étasunien (devenu entre-temps démocrate) a finalement autorisé un budget de 1,3 milliards de dollars pour la construction de cette ligne Maginot du XXIème siècle ; une somme apparemment astronomique, mais nettement en deçà des 5,7 milliards initialement demandés par Donald Trump.

Pour reprendre la main, Donald Trump a donc décidé –toujours en février– de jouer de ses attributs présidentiels en déclarant une situation d’urgence nationale à la frontière sud, afin de disposer de fonds fédéraux sans avoir à demander l’autorisation du Congrès. L’équipe du président, nous expliquent Radio Canada, la RTBF ou L’Essentiel, aurait alors repéré quelques six milliards de dollars de fonds fédéraux disponibles pour mener à bien ce projet de construction. Telemundo rappelle, pour sa part, qu'en avril dernier, le Département de Sécurité Nationale annonçait le lancement de la construction d’un segment de mur entre Columbus, dans le Nouveau Mexique, et El Paso, au Texas. Le 1er mai, le président Trump lui même confirmait par twitter, que 640 km de mur seraient conclus pour la fin de l’année.

Toutefois, poursuivent El Economista, AztecaAmerica ou encore El Imparcial, le recours présidentiel à la figure de l’urgence nationale a scandalisé plus d’un étasunien ; pas moins de sept demandes en justice ont ainsi été déposées auprès de différents tribunaux fédéraux du pays (l’une d’elle est d’ailleurs présentée par la Chambre des Représentants à Washington). Et, de ces sept demandes, les deux premières à être examinées sont celles qui ont été déposées en Californie*. Voilà comment le dossier est arrivé, le 16 mai, sur le bureau du juge fédéral de district Haywood S. Gilliam Jr., à Oakland, un prospère port commercial de la baie de San Francisco.

Les actions de Donald Trump affirment les parties plaignantes "équivalent à une usurpation des pouvoirs législatifs du Congrès, en violation des principes fondamentaux de séparation des pouvoirs établis par la Constitution". Ils sollicitent une décision d’autant plus rapide, que le sous-Secrétaire à la Défense, Kenneth Rapuano, a annoncé le lancement pour le 25 mai d’une première tranche de travaux en Arizona et dans le Nouveau Mexique.

... or not to be

Comme le relaient Expansión citant les agences Bloomberg et EFE, des éléments du dossier ont commencé à faire surface ; notamment une note du Service des Douanes et de la Protection frontalière (U.S. Customs and Border Protection, CBP), datée du 20 mai. Celle-ci, élaborée à la demande du Juge Haywood Gilliam, présente une synthèse financière et logistique de la situation. Pour faire court et selon cette note, les 1,5 milliards de dollars autorisés en 2018 sont bel et bien mobilisés pour actualiser ou construire 128 kilomètres de mur entre les Etats-Unis et le Mexique : aux environs de San Diego et de Calexico, à Yuma en Arizona, le long de la Vallée du Río Grande… Toutefois les délais prévus ne sont pas précisés, pas plus que les sommes exécutées à ce jour. Surtout, conclu Bloomberg, depuis l’autorisation du budget en 2018, les Etats-Unis auraient effectivement construit… 2,7 kilomètres de mur. A ce rythme-là, le Mexique a bien raison de garder son sang-froid !

Toujours selon Expansión, le Secrétaire de la Défense, Patrick Shanahan, a donc dû faire du « damage control », assurant que les fonds bloqués ne pénalisaient personne et étaient dument géré et, que pour l’heure, il n’était (évidemment) pas question de reprogrammer un nouveau centime pour le mur frontalier.

Pour leur part, El Intransigente et El Economista en ont profité pour revenir sur la campagne de dons lancée à grand bruit fin 2018 auprès des partisans du mur. En quelques mois, WeBuildTheWall aurait réussi à collecter quelques 20 millions de dollars. Mais, nous disent les médias hispanophones, la gestion des fonds, pour le moins opaque, et surtout l’absence de résultats (pourtant annoncés pour début avril) alimenteraient une colère montante parmi les donateurs.

Mais il en faut plus pour démonter Donald Trump, qui a immédiatement réorienté le débat autour des thèmes qui lui sont chers : ses ennemis internes et le Mexique. El Sol de México, La Razón, NotiAmerica ou Reporte Indigo rapportent ainsi, mot pour mot, les tweets présidentiels du début de semaine : oui, les besoins financiers sollicités sont justifiés, car il ne s’agit pas seulement de rénover ce mur, comme le disent les « Haineux » (the Haters, sic), mais d’en construire de grandes portions, là où nous en avons le plus besoin. Quant aux travaux de reconstruction, dit-il, ils suivront "les plus hauts standards"…

La décision (temporaire) du Juge Haywood Gilliam

Vendredi 25 mai, après une semaine d’instruction du dossier, le juge Haywood Gilliam a donc rendu publique sa décision. Et l’info a (presque) fait le tour du monde (Radio Canada, RTBF, L’Essentiel du Luxembourg, La Croix, Libération, France Tv Info, Le Parisien, Reforma, Excelsior, El Imparcial, Hoy Los Angeles… et même le Centre d'Informations Internet de Chine).

Prudent, nous explique Radio Canada, Haywood Gilliam a opté pour dissocier les deux demandes, et pour traiter en priorité celle présentée par les associations civiles et portée par le Sierra Club.

Sa conclusion préliminaire, 56 pages justifiées par l’imminence du début des travaux (samedi 25 mai), est que le gouvernement est, pour le moment, "requis de ne prendre aucune mesure en vue de construire une barrière frontalière" dans deux zones proches des villes de Yuma (Arizona) et d'El Paso (Texas) en utilisant des fonds redirigés par le Département de la Défense étasunien.

Hoy Los Angeles précise que le Juge émettra un sentence définitive dans un second temps, après révision approfondie du dossier et des éléments que peuvent encore lui apporter les parties.

Mais d’ores et déjà, soulignent FranceTV Info, La Croix et El Imparcial, le Juge Haywood Gilliam a posé un principe clef : dépenser cet argent sans l’approbation du Congrès ne serait « pas compatible avec les principes fondamentaux de la séparation des pouvoirs remontant aux premiers jours de notre République ». Plus encore, insiste le Juge, le contrôle absolu du Congrès sur les dépenses fédérales –et ce même lorsque ce contrôle frustre la volonté du pouvoir exécutif– n’est pas une erreur du système constitutionnel ; « c’est une caractéristique de ce système, et une caractéristique essentielle ». Par ailleurs, Haywood Gilliam rappelle que l’urgence nationale autorise les transferts de fonds pour des événements « imprévus ». Or, la construction du mur peut difficilement être considérée comme imprévue. Le ton est donné…

Toutefois, notent Radio Canada et Le Parisien, ce même juge s’est bien gardé de trop politiser sa décision. L’autre demande sur laquelle il devait se prononcer, présentée celle-là par 20 états de l’Union, a en effet été partiellement rendue sans objet (du fait de sa première décision) et partiellement rejetée. En effet, comme l’explique El Imparcial, une des requêtes visait à bloquer les fonds redirigés depuis le Département du Trésor des États-Unis pour la construction du mur, sous prétexte que les études d’impact environnemental n’avaient pas été prises en compte. Haywood Gilliam a estimé que cet argument n’était pas suffisant.

Ce qui vient…

… un nouveau chapitre de tempêtes juridiques, politiques et médiatiques, assurément. Si, comme le précise l’agence Reuters, les porte-paroles du département de la Sécurité intérieure, du Pentagone et de la Maison blanche gardent le silence, Donald Trump a, lui, immédiatement annoncé qu’il faisait « appel selon une procédure accélérée » de cette décision. Le Parisien ne peut d'ailleurs résister à reproduire le tweet présidentiel : « Un autre juge militant nommé par Obama vient de statuer contre nous à propos d’une section du Mur du Sud qui est déjà en construction. C’est une décision contre la sécurité des frontières et en faveur du crime, des trafics de drogue et d’êtres humains ».

L’Opinion rappelle que la bataille judiciaire se poursuivra ce jeudi 30 mai, à Washington cette fois. En effet, un tribunal fédéral du District of Columbia examinera le recours de la Chambre des représentants contre la réaffectation de 6,1 milliards de dollars du budget du Pentagone, les avocats de la Chambre arguant eux aussi d’une violation de la séparation des pouvoirs.

Mais, pendant ce temps, les opérations financières et immobilières autour du mur s’accélèrent. Comme le précise 20 Minutos, l’ordonnance du Juge Haywood Gilliam ne s’applique qu’à deux des contrats prioritaires financés par le Pentagone.

Le Punching ball mexicain

Sans trop de surprise, le Mexique est, pour sa part, à nouveau pris à partie. La Razón relaie ainsi la nouvelle manifestation de déception de Donald Trump vis-à-vis du Mexique qui « ne fait virtuellement rien » pour freiner les flux migratoires illégaux à ses frontières. Il vous suffira cependant de revenir aux article publiés par Le Monde, France 24 ou Le Point le mois dernier pour comprendre que les choses sont un peu plus compliquées. En effet, le gouvernement mexicain –sous pression étasunienne– intensifie bel et bien ses efforts pour arrêter les caravanes de migrants centraméricains qui se multiplient depuis quelques mois. En mars, pas moins de 15.000 clandestins auraient ainsi été arrêtés et déportés. Une situation qui, souligne Le Monde, devient un vrai casse-tête pour le Mexique.

Reporte Indigo apporte également des nuances à la déception affichée par Donald Trump, en faisant état de l’attitude conciliatrice de Christopher Landau, le candidat a occuper le poste d’Ambassadeur des Etats-Unis au Mexique. Désigné par Donald Trump et actuellement auditionné par le Sénat, Landau dit vouloir « créer des ponts » entre les deux pays. « mon rôle, si ma nomination est confirmée, sera de promouvoir la coopération avec le peuple et les autorités mexicaines. Aucun pays ne peut résoudre seul le défi de la migration illégale ».

“Amor y paz”...

Christopher Landau, l’interlocuteur idoine pour Andrés Manuel López Obrador ? Tout l’indique, car l’attitude extrêmement conciliatrice du président mexicain vis-à-vis de son grand voisin du nord a également été relayée cette semaine par de très nombreux (et dubitatifs) médias mexicains et hispanophones (El Universal, La Jornada, Milenio, El Siglo de Torreón, Telemundo, EuropaPress...).

Si Andrés Manuel López Obrador confirme avoir été informé des dernières déclarations intempestives de son homologue étasunien, il se refuse au conflit et se réjouit surtout, dit-il, des récents résultats positifs en matière de politique commerciale entre les deux pays, notamment la levée des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium (voir notre revue de presse de la semaine dernière). Et puis, notent la plupart des médias mexicains, le Président mexicain espère avant tout convaincre les Etats-Unis de s’associer au Plan de Développement intégral pour le Sud du Mexique et l’Amérique centrale, une initiative régionale appuyée par la CEPAL et visant à s’attaquer aux causes socio-économiques de la crise migratoire, dans les pays « expulseurs ». Et pour cela, il faut de la diplomatie…

... et, toujours, son calme garder

Pour conclure, face à ce tourbillon de dollars, de disqualifications et de procédures en justice, une récente enquête réalisée par Parametría et publiée par Animal Politico.

Selon cet institut de sondage, les mexicains seraient de plus en plus sereins face à ce projet de mur. En 2017, 60 % d’entre eux étaient certains que Donald Trump construirait son mur. En 2019, ils ne sont plus que 48 %. De la même façon, alors qu’il y a deux ans, un peu plus de 50% des mexicains pensaient que leur gouvernement, sous pression, finirait par financer les travaux ; aujourd’hui 59% d’entre eux sont persuadés que, si mur il y a, il sera payé par les Etats-Unis.

Bel indicateur de la crédibilité du président étasunien...

©Masiosarey, 2019

 

*L'une est présentée par le Sierra Club (une association américaine écologiste fondée en 1892 et actuellement basée à Oakland), par une coalition de communautés situées le long de la frontière et par l’Union Américaine des Libertés Civiles (ACLU). L'autre est portée par les gouverneurs de 20 états de l’Union, principalement démocrates (Californie, Colorado, Connecticut, Delaware, Hawai, Illinois, Maine, Maryland, Massachusetts, Michigan, Minnesota, Nevada, New Jersey, New México, New York, Oregon, Rhode Island, Vermont, Virginia et Wisconsin).


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