Assister au défilé de la fête des morts à Mexico
Cette année, c'est décidé !
On va voir le célèbre défilé de la Fête des morts, à Mexico.
Ce défilé, on l'a vu crever l'écran du dernier James Bond, Spectre (voir Masiosarey). Depuis, on l'a retrouvé chaque année au journal télé... Alors, il fallait bien y aller ; ne serait-ce que pour comprendre ce qui pouvait motiver des millions de badauds (un million et demi en 2018) à sortir de leur confortable sweet home pour déambuler dans les rues bondées du centre historique de la Ville de México.
D'un naturel peu téméraire, j'avais mis sur pied un plan assez "pépère" : se garer dans notre parking habituel, déguster un Mixiote de cordero dans notre restaurant préféré du centre ville, et, à l'occasion, jeter un oeil détaché sur le défilé ("ça peut être sympa, surtout pour la p'tite"). Comme j'étais assez sûre de mon plan, j'ai même décidé d'inviter une chercheuse canadienne, de passage pour la première fois au Mexique ("Tu verras, on va manger mexicain, visiter le centre historique et, en plus, il y a un défilé"). Le scénario parfait pouvait d'ores et déjà s'intituler : Chronique d'une catastrophe annoncée (ou Les pieds nickelés en vadrouille).
Le repas, il faut bien le dire, fut délicieux et tout à fait conforme aux canons d'un déjeuner entre universitaires : végétarisme de mise (adieu Mixiote de cordero !), conversation des plus politiquement correctes sur les projets en cours, inévitables comparaisons internationales... Mais pour la petite fille de 8 ans qui nous accompagnait le temps paraissait long : "C'est quand qu'on va voir le défilé?". Maman moderne (comprenez, cool qui imagine qu'il faut bien récompenser l'attitude sacrificielle de tout enfant qui participe sans trop rechigner et sans tablette aux repas des adultes), je donne donc le signal du départ... La décision est prise. Nous allons enfin voir le défilé.
On y va, mais juste un petit moment... pas plus d'un quart d'heure, voire une demi heure si c'est vraiment bien! Il ne faut pas exagérer la coolitude non plus. Nous voilà donc dans l'avenue Cinco de Mayo, juste à l'angle du Sanborn's de Azulejos. Et là...
... il y a du monde, beaucoup de monde! On peut rien voir. On est serré... comme qui dirait, pris au piège ! Après cinq minutes de chaude réflexion (il est 16h00, le soleil tape et la chaleur humaine est à son comble), nous décidons que le défilé sera pour une autre année. Qu'à cela ne tienne, il nous faut juste traverser la rue pour récupérer la voiture... Sauf que le défilé a déjà démarré. Et la police interdit désormais catégoriquement toute traversée intempestive de la rue. Avec effroi, nous comprenons que notre parking, situé à 200 mètres à peine, nous est maintenant totalement inaccessible.
Qu'à cela ne tienne, nous prendrons le métro! Mais c'est sans compter sur l'effet de foule. Coincés, nous voilà dans l'incapacité d'avancer ni de reculer. Et nous ne sommes pas les seuls dans cette situation. L'agoraphobie m'envahit et je commence une longue litanie à tous les saints connus et à venir. Serrés comme nous le sommes, une rixe ou une simple chute et c'est l'étouffement assuré.
Au bout d'une (longue et pénible) demi-heure, notre stratégie de retraite porte finalement ses fruits. Mais nous nous extirpons de ce piège mortel... pour tomber dans un autre : la station de métro. Car nous n'étions pas les seuls à avoir eu l'idée de fuir. Sur le quai, juste devant nous, une famille est d'ailleurs brutalement séparée : la femme et l'enfant sont refoulés d'un wagon dont les portes se referment sur le père, qui s'éloigne, le visage pressé contre la vitre de la porte... Une vision d'angoisse pour la p'tite qui s'accroche à moi... La poussée, caractéristique des heures de pointe dans le métro, est démultipliée. Nous voilà propulsés sans le vouloir dans la prochaine rame. La p'tite est toujours bien accrochée, mais la descente s'annonce rude. Effectivement, à la station suivante, un nouveau mouvement de foule nous expulse. Mais, cette fois, un charmant monsieur s'interpose pour faire un espace autour de la p'tite en criant: "Laissez passer, il y a une enfant, poussez-vous". Une intervention inespérée qui me permet de soutenir la p'tite des deux mains, abandonnant ainsi le petit sac que je portais autour du cou et qui part soudain en lévitation. A ce moment précis, j'ai su que ce qu'il contenait allait irrémédiablement disparaître. J'ai su aussi, que le charmant monsieur allait probablement hériter de ce contenu...
Bilan des courses:
- Une petite fille dégoûtée pour la vie du défilé des morts et qui sera sans doute pendant longtemps terrorisée à l'idée de prendre le métro.
- Une chercheuse canadienne qui n'a plus l'intention de venir au Mexique.
- Un porte-monnaie et un paquet de cigarettes perdus pour la cause.
- Un constat, pour visiter le centre historique, les vieux réflexes d'anthropologue sont toujours aussi efficaces : n'emporter aucun objet de valeur et glisser un billet dans ses chaussures, en cas de délestage intempestif de vos possessions...