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"El destape", c'est quoi?


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Depuis lundi, vous n'entendez probablement que ce mot dans les médias,.. "El destape", une tradition politique bien mexicaine!

Vous aurez donc appris que le ministre des finances, José Antonio Meade, vient d'annoncer qu'il briguera la candidature présidentielle pour le Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) le 1er juillet prochain. Rien de bien révolutionnaire dans le monde des partis politiques, direz-vous... sauf que, comme le relèvent de nombreux commentateurs, il s'agit là d'un "destape" (un dévoilement), dans la droite ligne d'une tradition politique enracinée au sein du PRI et qui résiste au changement. Mais le "destape", c'est quoi?

Le "destape" n'est que la conclusion d'un processus. Celui de savoir qui, dans les hautes sphères du PRI, sera "El tapado", c'est-à-dire le candidat que soutiendra (secrètement) le président de la République. "La formule du Tapado", pour reprendre la définition de celui qui a peut-être le mieux saisi le phénomène, l'économiste et politologue mexicain Daniel Cosío Villegas* peut se résumer ainsi: "la sélection (du futur candidat), loin de se faire à la lumière du jour et sur la place publique, se produit dans l'obscurité et dans le silence du couloir ou de la chambre royale".

Secret et désignation (le célèbre "dedazo" du président), un binôme inséparable qui a alimenté, pendant soixante-dix ans (1930-2000), la plupart des discussions politiques au Mexique. En effet, dans un régime où le parti hégémonique gagnait toutes les élections présidentielles (jusqu'en 2000), l'enjeu de la succession présidentielle n'était pas tant l'issu du vote que l'identité du candidat du PRI. Le sport national était alors de découvrir qui était le véritable candidat du président (el tapado) parmi les potentiels aspirants (Stanley Ross**). Car parier sur le bon cheval, était pour la classe politique et bureaucratique s'assurer un avenir radieux... dans un système où la réélection est interdite, la stabilité de la bureaucratie était assurée par une allégeance précoce au successeur. Un moyen aussi, nous dit Daniel Cosío Villegas, d'éviter pour le président en place la création de poches de pouvoir au sein de son gouvernement. Ainsi, poursuit cet auteur, les tapados sont le plus souvent des hommes politiquement peu visibles, des "don nadie" ajoute-t-il.

D'où vient l'expression "tapado"? Eh bien voilà une belle victoire de la publicité. Dans les

Illustration d'Abel Quezada

années cinquante, personne ne s'attendait à la désignation de Adolfo López Mateos. Une marque de cigarettes en profita pour lancer une publicité où "el tapado" fumait "Elegantes". L'expression resta, même si le candidat fumait lui des cigarettes Delicados (S. Flores Llamas).

Qui ont été les principaux "tapados" du XXème siècle priiste mexicain ? Les présidents Lázaro Cárdenas (1934-1940) et Manuel Avila Camacho (1940-1946) auront été les derniers présidents issus de l'Armée. A partir de Miguel Alemán (1946-1952), ils seront tous civils et choisis parmi des postes d'élection populaire (gouverneur, sénateur ou député). A partir de José López Portillo (1976.1982), les profils plus technocratiques auront la cote. Mais chaque fois, les "tapados" sont choisis alors qu'ils sont titulaires de ministères importants :

- le ministère de l'intérieur (gobernación) : Miguel Alemán, Adolfo Ruiz Cortines (1952-1958), Gustavo Diaz Ordaz (1964-1970), Luis Echeverría (1970-1976)

- celui du travail : Adolfo López Mateos (1958-1964)

- celui des finances : José López Portillo (1976-1982)

- celui de la programmation et du budget (le célèbre SPP) : Miguel de la Madrid (1982-1988) et Carlos Salinas (1988-1994)

- celui de l'éducation publique Ernesto Zedillo (1994-2000)

Sans oublier le ministère du développement social, créé en 1992 sous l'impulsion de Luis Donaldo Colosio. Ce dernier avait été le "tapado" de Carlos Salinas, mais il fut assassiné en pleine campagne en 1994.

Et comment devenait-on un tapado? Même si certains politiques ont vigoureusement nié cette pratique, Stanley Ross** raconte que le président en place consultait les différents secteurs de la "famille Priiste" (les syndicats, les élus importants, les anciens présidents...) avant de prendre sa décision. Et, dans certains cas, la surprise était à la hauteur de l'attente. La sélection de José López Portillo par le président Echeverría a, par exemple, illustré son "style personnel de gouverner" (Daniel Cosío Villegas*). D'autre fois, la surprise faisait place à la frustration, comme pour Manuel Camacho, potentiel candidat après la mort de Luis D. Colosio, coiffé au poteau par le technocrate Ernesto Zedillo. Une fois la décision prise, avait lieu le "destape" : une cérémonie pendant laquelle le candidat se révélait au public, en présence de tous les secteurs du PRI. Alors, les banderoles au nom de l'ex-Tapado sortaient de nulle part, et tout le monde jurait qu'il savait déjà (voir l'anecdote que raconte Carlos Monsivais sur López Portillo dans Letras Libres)...

L'alternance politique avec la victoire du Parti Action Nationale en 2000 avait mis un terme au "tapadismo"... semblait-il, car le candidat qui vient de sortir de l'ombre remet au goût du jour une pratique d'un autre temps...

©Masiosarey, 2017

Pour en savoir plus: Le "tapadismo" a fait couler de l'encre et a vendu des journaux! La chronique récente de José Elías Romero Apis relate dans El Excelsior les détails du Gran Destape, avec une chronique particulièrement réussie sur la façon dont A. López Mateos a été désigné. Sans oublier l'ouvrage de Enrique Krauze, La presidencia imperial. Ascenso y caída del sistema político mexicano (1940-1996) où vous trouverez d'innombrables anecdotes sur la passation de pouvoir à la mexicaine.

 

*Cosío Villegas Daniel, El estilo personal de gobernar, Cuadernos de Joaquín Mortiz, 1974.

**Ross Stanley, "Aproximaciones divergentes a la sucesión presidencial: 1976-1982", Estudios de historia moderna y contemporánea de México, UNAM, 1986, vol 10.

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