Faire renaître un vin tombé en désuétude : the International Sherry Week
Avez-vous suivi la International Sherry Week ? Pendant une semaine, à la mi-novembre, plus de 2.000 évènements dans le monde –une vingtaine au Mexique– étaient organisés simultanément pour mettre en avant l’appellation d’origine « Vins de Jerez-Xérès-Sherry ». Se faire connaître et reconnaître : un enjeu pour cette appellation qui renaît en quelque sorte de ses cendres.
L’ambassadeur de l’appellation Xérès au Mexique, le sommelier Raúl Vega Velasco, co-fondateur de la International Sherry Week et organisateur de la semaine mexicaine du Xérès, répond aux questions de Masiosarey. Raúl Vega Velasco fait partie d’un petit groupe de professionnels certifiés par le Conseil de régulation de l’appellation Xérès (Consejo regulador de la denominación de origen Jerez/Xeres/Sherry), un vin blanc "vieilli" originaire des provinces de Cadiz et de Séville. Aujourd'hui, ils sont environ 800 formateurs homologués par ce Conseil dans le monde, dont quatre au Mexique.
Petit tour d'horizon pour redécouvrir un vin un temps tombé en désuétude...
Quelle est l'histoire de la Sherry Week ?
Raúl Vega : Tout a commencé en 2013. Une année importante car c’était les 80 ans de l’appellation d’origine (Denominación de origen "Jerez-Xeres-Sherry"), attribuée en Espagne le 26 mai 1933*. Il fallait donc trouver une idée forte pour cette célébration.
Chelsea Anthon, une australienne tombée amoureuse de la région de Jerez, a initié le mouvement. Elle est designer, c’est d’ailleurs elle qui a élaboré l’affiche de la Sherry Week qui se diffuse internationalement. Avec elle, il y avait un petit groupe de femmes : une japonaise, Tomoko Kimura, une britanique, Helen Highley et une hollandaise, Fabiola Bonke… et moi.
L’idée était d’organiser la Journée mondiale du Xérès. Un peu à l’image de ce qu’il se fait pour d’autres appellations de vin. Et en anglais : sherry, pour la touche internationale. C’est donc cette Journée que nous avons lancée le 26 mai 2013. L’objectif était de mobiliser les professionnels pour qu’ils impulsent, ce jour-là précisément, des actions autour du Vin de Xérès… et nous avons eu beaucoup de succès. Dès le début nous avons eu l’appui du Conseil de régulation. Au bout de trois ans, nous lui avons cédé les droits pour que l’évènement prenne son envol. A partir de ce moment, le Conseil nous a nommé « ambassadeur du sherry ».
Une Journée qui s'est transformée en semaine, et qui a changé de date...
Raúl Vega : En effet. Un problème de droits pour l’organisation de la Journée a amené le Conseil à changer le nom de l'évènement. C'était l'occasion parfaite pour étendre la durée de cette manifestation, qui est aujourd'hui devenue la « Sherry Week ».
Quel est l’objectif de la Sherry Week ? Et comment s’organise cette semaine?
Raúl Vega : Principalement, il s’agit de faire connaître ces vins. Au Mexique, par exemple, ils sont encore peu courants. En matière d'organisation, le fait que le Conseil de régulation ait repris l’initiative aide beaucoup. Il centralise sur sa page web l’ensemble des actions organisées un peu partout dans le monde. De notre côté, nous registrons sur cette même page les évènements que nous organisons localement, ce qui leur garantie une visibilité internationale. Nous avons commencé avec 200 évènements à l’échelle mondiale. Aujourd’hui, il en a plus de 2.000. Et nous avons réussi à obtenir l’appui des importateurs de Xérès qui collaborent avec enthousiasme.
L’an passé, nous visions d'obtenir un record Guiness d’évènements organisés. Et nous y sommes arrivés! Mais, malheureusement, pour des erreurs dans le remplissage des formulaires administratifs, nous n’avons pu inscrire ce record. Nous allons le retenter l’année prochaine. Notre objectif : multiplier par deux le nombre d’évènements organisés pendant cette Sherry Week.
Le vin de Xérès, internationalement c’est quoi aujourd’hui ?
Raúl Vega : Le vin de Xérès, tout le monde connaît, de nom en tout cas. Ce vin était déjà bu à l’époque de Shakespeare. Imaginez! Il a connu une période faste de la fin du XVIIIème siècle jusqu’au milieu du XXème siècle. Puis il est tombé en désuétude. Même histoire au Mexique, où le vin de Xérès est arrivé au début du XXème siècle. Il a été très consommé jusque dans les années soixante. A partir de la décennie soixante-dix, il a été concurrencé par d’autres alcools, pour disparaître presque complètement dans les années quatre-vingt.
Le vin de Xérès c'est d'abord un volume de production modeste. C'est ensuite une catégorie un peu oubliée. Mais celle-ci bénéficie d'un effet « souvenir », d'un « atout nostalgie » important. Le Xérès est associé aux verres qu’offraient nos grands-mères lorsqu'elles recevaient. Quand les gens le goûtent aujourd'hui, cela leur évoque souvent une grande tante ou une aïeule.
Au niveau international, et pendant toutes ces années, la production s’est maintenue à de petits niveaux. C'est dans les années 2000, et plus encore à partir de 2010, qu'elle a repris du poil de la bête. Aujourd'hui, il existe de plus en plus de caves et la production augmente chaque année. Les exportations augmentent aussi, lentement mais sûrement. On observe ce regain d’intérêt pour le Xérès au Mexique également. Alors qu’auparavant placer le produit demandait beaucoup de travail, aujourd'hui, notre principal problème est que toute la marchandise arrive à Mexico, alors qu'il manque encore un réseau de distribution vers le reste du pays. On trouve donc peu de bouteilles en Province. Mais le potentiel est là !
C'est justement mon objectif comme formateur : faire découvrir ce vin dans toute la République, par le biais de dégustations et par des enseignements ciblés. Susciter la curiosité et la demande. Et, peu à peu, nous remplissons les étalages des distributeurs. Par exemple, nous avons réussi à élever les ventes à Tijuana, et ce dans un contexte d'autant plus compliqué que les consommateurs font leurs courses à San Diego ! Grâce à la formation et à des évènements comme la Sherry Week, nous pénétrons le marché...
Et les vins au Mexique, en général ?
Raúl Vega : La consommation de vin, en général, est en train de croître dans de nombreux états. Avant, il n’y avait quasiment pas de pénétration dans des régions comme Nuevo León, Veracruz ou encore Guadalajara. Mais, peu à peu, les choses évoluent. Et le vin devient à la mode. Et cela, notamment, grâce à une offre gastronomique de plus en plus diversifiée qui s'articule avec des propositions intéressantes et rénovées de crus…
Pas de doute, le rendez-vous est pris pour une prochaine rencontre avec Raúl Vega, pour discuter cette fois de la situation du vin au Mexique. En attendant, voilà comment, avec un renouvellement des étiquettes, une diversification dans l’offre et des évènements festifs, un vin oublié peut retrouver une nouvelle vie ! Nous la lui souhaitons longue !
©Masiosarey, 2017
En Savoir plus sur l’Appellation d’origine Jerez-Xérès-Sherry
Il s’agit d’abord de l’Appellation d’origine la plus ancienne d’Espagne, délivrée en 1933 (Conseil de régulation). En 2016, l'Appellation comptait 7.000 ha de production, distribués entre 2.367 exploitations. 1.647 vignerons étaient inscrits au registre du Conseil. 42% des producteurs sont de petites exploitations réunies dans une des sept coopératives de l’Appellation. En 2015, le volume de production a atteint 57 millions de kilos de raisin; une production considérée comme moyenne comparée à celle de l’année précédente, mais qui équivaut in fine à plus de 38 millions de litres mis en bouteille au titre de l’Appellation.
Les principaux pays consommateurs de vins de Jerez sont l’Espagne, suivi du Royaume Uni. La Belgique, la France et le Canada occupent respectivement les sixièmes, septièmes et huitièmes places. En 2016, 65% des ventes de vins de Jerez étaient réalisées hors de l’Espagne.
Les cépages utilisés sont le Moscatel, le Palomino et le Pedro Ximénez. Selon les méthodes d'élaboration, le Xérès se décline sous différentes sous-appellations, du plus sec au plus doux : Manzanilla, Fino, Amontillado, Palo Cortado, Oloroso, Cream, Pedro Ximenez...
Source: Consejo Regulador de la Denominación de origen Jerez-Xérès-Sherry, Memoria de actividades 2016.