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La synergie entre Université et Entreprise en débat - Université Autonome Métropolitaine (UAM)
Former pour quoi et pour qui ? C’est la question que se posent légitimement les universités et les centres de formation technique partout dans le monde.
Le défi est de toujours trouver un équilibre – constamment remis en cause – entre demandes du marché et enseignements fondamentaux. Quant aux entreprises, face à l’obsolescence programmée des formations, trouver un capital humain formé et compétitif relève tout autant de la gageure.
Dans cette recherche constante de synergies, l’Université Autonome Métropolitaine (la deuxième université publique du Mexique) veut créer les espaces de contacts. Et pour cela sa Coordination générale de relation et développement institutionnel, en collaboration avec le réseau « Université-entreprise » ALCUE, a décidé d’ouvrir le dialogue entre des représentants de l’éducation supérieure et du marché du travail.
Ce mois d’octobre, des entreprises françaises installées au Mexique ont joué le jeu. Avec l’appui de l’Ambassade de France, Safran et Thales, deux fleurons de l’industrie de pointe française ont participé au débat.
Trop peu… trop lents… trop compliqués
La première table ronde est consacrée à l’employabilité des étudiants et, plus largement, aux nécessités du monde l’entreprise. Un consensus se dégage rapidement entre universitaires et entrepreneurs, autour de la nécessité d’établir une meilleure synergie entre les deux mondes. Les dynamiques de coopération sont encore entravées par la lourdeur des procédures universitaires : « Les processus pour établir des liens sont longs (…) la relation institutionnelle (vinculación) n’arrive pas encore à être efficiente. (…) il n’y a pas de suivi des universités, les étudiants ne font pas attention aux équipements... bref l’entreprise est fatiguée » regrette Guillermo Lora, Directeur des finances et de l’administration de Tecniflex Ansorge de México.
Si les représentants de l’Université, à l’image de Pedro Puerta Huerta, Coordinateur de relation académique de l’Unité Lerma de la UAM, reconnaissemnsouligent la méconnaissance, de la part des étudiants et des professeurs, des pratiques entrepreneuriales, les entrepreneurs, eux, mettent l’accent sur les déficiences des candidats qui entrent sur le marché du travail. Des déficiences qui se manifestent principalement dans la pratique de l’anglais et dans la compétence rédactionnelle.
Du savant dosage entre enseignements fondamentaux et techniques
Car c’est la question du savant dosage entre enseignements fondamentaux (artistiques et culturels inclus, comme le souligne María Luna Argudín, la directrice des relations avec les secteurs politiques et sociaux CGVDI de la UAM) et apprentissage technique qui divise, encore et toujours, les mondes universitaire et professionnel. Pour certains, « innover n’est possible que si d’autres fonctions de la pensée –autres que « techniques »– sont stimulées ». Pour d’autres, c’est l’inadaptation des formations techniques qui est en cause.
L'intervention de l’ingénieur Raúl Norriega, directeur du développement et du renforcement de la Coordination générale des Universités technologiques et polytechniques de la SEP, vient à point nommé décrire les efforts de son ministère de tutelle pour créer des formations capables de fournir les techniciens dont l’industrie a besoin. Actuellement au Mexique environ 335 000 élèves étudient dans 115 universités techniques (bac+2) et 62 écoles polytechniques (Licence en ingénierie et master). Certains de ces établissements expérimentent la formation en alternance, suivant en cela le modèle des Instituts universitaires techniques (IUT) français. Il est primordial de doter le pays « d’universités thématiques comme le pôle d’aéronautique de Querétaro et de centres de formation des entreprises" insiste Raúl Noriega. Rappelons ici que l'un des premiers centres de formation a été ouvert par Peugeot pour former son personnel à l’entretien de ses unités.
Pour en savoir plus... Entretien avec Raúl Norriega
« L’innovation est l’ADN de toute entreprise » (Daniel Parfait)
Le reste de la matinée est dédié aux questions d’innovation. Le directeur de SAFRAN Mexique, Daniel Parfait, précise que « le temps de l’innovation est différent selon les secteurs. Pour nous, dans l'aéronautique, le cyle complet d'une révolution technologique est d'environ 40 ans (…) Mais, dans cet intervalle, l’innovation est une dynamique quasiment quotidienne, qui ne se fait pas uniquement dans le bureau de l’ingénieur. L'innovation est partout dans l’entreprise. A Chihuahua, où nous avons 4000 employés, nous générons quelques 5000 idées nouvelles par an.» Toutes ne seront évidemment pas menées a terme. Mais l'esprit est la; la filiale mexicaine de ce groupe français a d'ailleurs gagné deux fois le prix interne de l’innovation attribué chaque année par SAFRAN. Pour Daniel Parfait « l’innovation constitue l’ADN de toute entreprise et est un facteur de cohésion essentiel au sein de l’entreprise ».
Philippe García, directeur de Business France pour le Mexique et l’Amérique latine, insiste pour sa part sur les pistes à poursuivre pour faciliter l’installation des entreprises : développer plus d’instituts technologiques, multiplier les formations alternées - ce qui va de pair avec une revalorisation des formations plus technologiques- et, enfin, investir dans des pôles de compétitivité.
De fait, les autorités mexicaines sont bien conscientes de la nécessité de favoriser le développement d’un « écosystème » favorable à l’innovation et donc aux entreprises. Le Premio Nacional de Tecnología e Innovación permet de mettre en avant les réussites mexicaines. Javier López Parada, son directeur, évoque les lauréats 2016 de ce Prix, tel que Tangible Nous, l’entreprise agroalimentaire installée à San Luis Potosi, ou encore Skyworks Mexicalli qui a réussi à se positionner sur le marché mondial des puces électroniques.
Ce n’est pas la directrice de l’innovation chez Thales, Evelyn Loredo, qui contredit ses prédécesseurs. L’entreprise investit 20% de son chiffre d’affaire dans l’innovation. La filiale installée à Mexico a, pour sa part, gagné le prix Thales de l’innovation avec le projet « Ville sûre », le réseau de caméras de surveillance installé dans la ville de Mexico. L’entreprise s’investit en outre dans la formation: tout d’abord en interne, à travers des comités d’innovation tenus tous les deux mois; mais aussi vers l’extérieur, en collaboration avec des centres universitaires et de formation reconnus (Tec de Monterrey, Politecnico, CONALEP).
En guise de conclusion, Enrique Medellín Cabrero, directeurs des relations avec les secteurs productifs de la Coordination des relations et développement institutionnel de la UAM, présente les résultats de l’Enquête nationale de relation avec les institutions d’éducation supérieure (ENAVI) menée par le CIDE en 2010.
Le point sur ENAVI 2010
Il s’agit d’une enquête réalisée par une institution universitaire, le Centre de recherche et d’enseignement économique (CIDE) en 2010. L’enquête a été menée auprès de fonctionnaires chargés, au sein des institutions d’éducation supérieure, des relations avec les entreprises (près de 1255 bureaux). Son objectif est de décrypter les perceptions que ces fonctionnaires ont
de leurs missions, des limites rencontrées et des atouts pour les mener a bien.
ENAVI, Encuesta nacional de vinculación en Instituciones de Educación Superior, CIDE; 2010
Pour en savoir plus : Cabrero E., Cárdenas S., Arellano D., Ramirez E., « La vinculación entre la universidad y la industria en México”, Perfiles educativos, vol. 33, n° spécial, 2011, IISUE-UNAM.
La synergie entre entreprises et universités est sans aucun doute un thème de premiere importance dans un pays à 35% industrialisé; les efforts et les investissements en formation technologique étant cruciaux dans la course mondiale pour attirer les entreprises de pointe. Pourtant, le Mexique est loin encore d'atteindre l'objectif annoncé par le gouvernement en cours: à savoir consacrer 1% du PIB à la recherche et l'innovation. Si, depuis 2012, les lignes budgétaires pour la science et la technologie ont largement dépassé celles accordées précédemment par les présidents Felipe Calderon (+46%) et Vicente Fox (+77%)*, les coupes budgétaires promises pour 2017 relancent un débat crucial pour l'avenir du pays.
©Masiosarey
10 octobre 2016 - Dialogos universidad y empresa. Empleabilidad, formación e innovación, organisé par la Coordinación General de Vinculación y Desarrollo Institucional de la Universidad Autonoma Metropolitana y el servicio de Cooperación Universitaria de la Embajada de Francia.
Casa de la primera Imprenta- Lic. Primo de Verdad 10, Esquina con Moneda, Colonia Centro, Delegación cuauhtémoc, 06010 Mexico City
*source Forbes du 14 octobre 2016 « Informe de gobierno : gasto en ciencia y tecnología no alcanzará 1% del PIB en 2016”